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Rivières françaises, vers un retour à l'état naturel ?

Dernière mise à jour : 7 juil. 2021



Introduction

Si l’on fait abstraction des quelques sacs plastiques, paquets de cigarettes et autres détritus, les rivières nous renvoient facilement l’image d’une nature libre et sauvage. Mais est-ce vraiment le cas dans notre France métropolitaine aux 430 000 km de cours d’eau ? Si l’on considère qu’il y existe un obstacle au libre écoulement tous les 6 km (barrage, seuil), 9000 km de digues et que seulement 45 % de ces cours d’eau ont un bon, ou très bon état écologique, il devient difficile de l’affirmer [8–11].

L’artificialisation des cours d’eau a commencé en France au XVIIIe siècle avec les premiers moulins, arriveront ensuite les premières digues visant à empêcher les inondations puis les barrages hydroélectriques au XIXe et surtout au XXe siècle [1,4].


Des impacts importants

Tous ces ouvrages ont des impacts notoires sur ces habitats. Le recalibrage des cours d’eau a transformé en chenaux rectilignes des rivières naturelles, leur faisant perdre un élément essentiel pour leur bonne santé écologique : la diversité. En effet, ce que l’on appelle les « faciès d’écoulement » (rapide, plat, radier, chute…) permettent lorsqu’ils sont variés d’offrir une grande diversité d’habitats aux espèces. C’est aussi la qualité d’épuration et de prévention des inondations qui est perdue sur ces rivières recalibrées, où l’eau s’écoule à toute vitesse [4]. Les seuils et barrages sont bien connus pour limiter le déplacement des poissons, et notamment les poissons migrateurs, mais beaucoup moins pour leur impact sur la morphologie des cours d’eau. Ils retiennent les sédiments qui circulent naturellement de l’amont vers l’aval et provoquent ainsi un « manque » de matière sous ces obstacles et une accumulation au-dessus de ceux-ci. Ce qui a pour effet de provoquer localement l’enfoncement du lit des cours d’eau, ou l’accumulation importante de matière au fond de ceux-ci.


Des mesures de restauration complexes

Pour la plupart des Français, nul besoin de justifier l’extrême importance du soin à apporter à nos rivières. Mais dans un monde où le profit est souvent à la source des décisions environnementales, il est tout de même possible de trouver nombre d’intérêts pécuniers à restaurer ces milieux. Les écosystèmes aquatiques apportent en effet beaucoup de « services » aux populations humaines, ce que l’on appelle les services écosystémiques. On peut parler notamment de l’apport en eau douce nécessaire à notre vie, des activités de loisirs qui s’y pratiquent, de la régulation des inondations et de l’épuration de l’eau que nous y rejetons [5].

La restauration des milieux aquatiques est effectuée à partir de la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE) de 2000, appliquée dans le droit français en 2006 avec la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. La DCE avait pour objectif l’atteinte d’un bon état écologique et chimique des rivières et lacs en 2015, mais sans obligation de résultat. Ce bon état écologique se base sur la référence de cours d’eau naturels n’ayant pas subi de pressions anthropiques (d’origine humaine) [3]. Cette directive est mise en pratique à travers les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) présents sur chacun des grands bassins versants français et reconduits tous les six ans. L’objectif de la DCE n’ayant pas été atteint en 2015, elle prévoit que les états puissent allonger le délai jusqu’à 2027 en cas d’une infaisabilité technique économique, report qui sera encore possible après 2027… L’état français se voit donc obligé de payer des pénalités.

Techniquement, la DCE a commencé par un état des lieux et la mise en place d’un réseau de suivi écologique et chimique des réserves françaises. Une des grandes mesures est la restauration de la continuité écologique, dont son application en France passe évidemment par l’arasement des obstacles sur les cours d’eau.


Alors d’où vient le problème ?

Des scientifiques critiquent les méthodes et objectifs de la DCE. Principalement le fait d’avoir choisi comme état de référence, des cours d’eau dénués de pressions anthropiques. Ce qui ne prend pas en compte que ceux-ci ont déjà subi des changements irréversibles, notamment avec le changement climatique, que la conception majoritaire de l’écologie considère les écosystèmes comme dynamiques, et que les bassins versants influencent considérablement les cours d’eau et ne seront pas dépeuplés des humains [3,6]. Le réalisme économique de la DCE a également été critiqué, les moyens engagés étant dérisoires par rapport aux objectifs [2]. Enfin, les objectifs des SDAGE sont considérés par certains comme peu précis et peu ambitieux suivant les zones [4].

La DCE a tout de même apporté beaucoup : la mise en place d’un réseau de surveillance chimique et biologique et de nombreuses actions de restauration des milieux aquatiques.




Qu’en disent les pêcheurs/pêcheuses ?

Leur avis est partagé quant à la continuité écologique. On peut lire bien souvent sur les réseaux sociaux l’engagement de pêcheurs contre l’arasement de seuils qui vont provoquer la disparition des espèces de carnassiers et de cyprinidés qu’ils pêchent habituellement. Un ouvrage arasé sur le Coulazou (Hérault) s’est même vu plusieurs fois comblé par des pêcheurs pour remonter le niveau de l’eau. Une étude a pu montrer sur la Sélune (Manche) que sur 516 répondants près d’un tiers était indécis, presque 60 % favorables et un peu plus de 10 % défavorables [7]. On peut donc facilement imaginer que l’avis des pêcheurs sur ce sujet sera très influencé par les espèces qu’ils ont l’habitude de pêcher.


Et moi, que puis-je faire ?

À son échelle locale, il est tout de même possible de faire avancer les choses : participer à la gouvernance de la politique de l’eau dans les assemblées de bassins qui intègrent 40% d’usagers de l’eau. S’investir dans les Fédérations et Associations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques. Et oui ! C’est aussi leur mandat, mais il n’est pas effectué partout avec le même investissement. Participer aux opérations de nettoyage des cours d’eau. Sensibiliser ses proches non conscients de ces problèmes essentiels pour le maintien de la biodiversité pour venir grossir la prise de conscience collective de la nécessité d’une mobilisation citoyenne sur ces sujets.


L’avis de Amériques au fil de l’eau

Comment s’engager pour la préservation des milieux aquatiques dans un contexte où les décisions sont prises par des politiques influencés par les défenseurs des moulins, les défenseurs des rivières à carnassiers, les défenseurs des poissons migrateurs et les défenseurs de l’environnement dans sa globalité ? Difficile de faire la part des choses… Devrait-on araser tous les obstacles pour retrouver les profils de rivières datant d’avant le moyen âge au risque de bouleverser des écosystèmes stabilisés ? Ne devrait-on pas prendre en compte tous les autres facteurs qui provoquent l’effondrement des stocks de migrateurs comme l’eutrophisation des milieux, la pêche professionnelle en estuaires… Les scientifiques s’engagent sur ces sujets, mais leurs conclusions sont peu accessibles au grand public, et surtout peu ou pas relayées par les médias. On pourrait donc souhaiter plus de vulgarisations sur ces sujets, idéalement indépendantes !


Bibliographie

[1] Bernard Barraqué and Patricia Gressent. 2004. La Politique de Prévention du Risque d’Inondation en France et en Angleterre : de l’action publique normative à la gestion intégrée. (2004), 122.

[2] Julio Berbel and Alfonso Expósito. 2018. Economic challenges for the EU Water Framework Directive reform and implementation. European Planning Studies 26, 1 (2018), 20–34. DOI:https://doi.org/10.1080/09654313.2017.1364353

[3] Gabrielle Bouleau and Didier Pont. 2014. Les conditions de référence de la directive cadre européenne sur l’eau face à la dynamique des hydrosystèmes et des usages. Natures Sciences Societes Vol. 22, 1 (2014), 3–14.

[4] France Nature Environnement. 2012. Morphologie des cours d’eau.

[5] Lauriane Lemerle and Stéphanie Minssieux. 2018. PRESERVER ET RESTAURER LES MILIEUX AQUATIQUES. (2018), 7.

[6] oce. 2018. La DCE: les raisons d’un échec programmé. Observatoire de la Continuité Ecologique. Retrieved May 21, 2021 from https://continuite-ecologique.fr/dce-echec-programme/

[7] Olivier Thomas and Marie-Anne Germaine. 2018. La restauration de la continuité écologique des cours d’eau et la pêche de loisir : héritages, changements et enjeux. Norois. Environnement, aménagement, société 249 (2018), 43–60. DOI:https://doi.org/10.4000/norois.7159

[8] Les impacts de l’artificialisation sur l’eau et les milieux aquatiques. Eaufrance. Retrieved May 21, 2021 from https://www.eaufrance.fr/les-impacts-de-lartificialisation-sur-leau-et-les-milieux-aquatiques

[9] Fragmentation des cours d’eau. Nature France. Retrieved May 21, 2021 from http://naturefrance.fr/indicateurs/fragmentation-des-cours-deau

[10] La qualité des rivières. Eaufrance. Retrieved May 21, 2021 from https://www.eaufrance.fr/la-qualite-des-rivieres

[11] Les rivières. Eaufrance. Retrieved May 21, 2021 from https://www.eaufrance.fr/les-rivieres

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